Gérant de fait et fraude fiscale : n’est pas à l’abri celui qui n’est pas visé par la plainte de l’Administration fiscale
Suivant un arrêt d’appel, un contribuable, en sa qualité de gérant de droit, avait été déclaré coupable du délit de fraude fiscale et condamné à une peine de 4 mois d’emprisonnement avec sursis, ainsi qu’au paiement des impôts fraudés, assortis des majorations et pénalités, solidairement avec la société.
Son père, gérant de fait de la société, a également été condamné à une peine d’emprisonnement avec sursis ainsi qu’au paiement des impôts fraudés, assortis des majorations et pénalités.
En l’espèce, le contribuable, gérant de droit, se prévaut d’une délégation de pouvoirs à son père faisant de lui le gérant de fait de la société précitée pour obtenir la relaxe.
La position du contribuable aurait pu aboutir s’il avait soulevé cet argument devant les juges du fond. En effet, la chambre criminelle rappelle que les juges du second degré doivent rechercher l’existence d’une délégation de pouvoir de satisfaire aux obligations fiscales de l’entreprise. En l’espèce, dès lors que cela n’avait pas été soulevé au fond, l’argument du gérant de droit n’a pu aboutir.
Nous rappelons que le gérant de droit d’une personne morale n’est personnellement responsable des obligations comptables et fiscales de l’entreprise que pour autant qu’il n’a pas délégué à une autre personne l’accomplissement de ces formalités.
De son côté, pour se décharger de sa solidarité et plaider sa relaxe, le gérant de fait (le père) a, quant à lui, invoqué le fait qu’il n’avait pas été visé dans la plaine de l’administration fiscale ayant sollicité préalablement l’avis de la Commission des infractions fiscales.
Sur ce point, les juges énoncent que les plaintes de l’administration fiscale doivent effectivement être déposées sur avis conforme de la commission des infractions fiscales (principe édicté par l’article L. 228 du Livre des procédures fiscales).
Toutefois, la chambre criminelle rappelle que cet avis a un caractère réel et non personnel. Aussi, le ministère public a la faculté de poursuivre le gérant de fait sans être lié par l’avis favorable rendu à l’égard du seul gérant de droit.
Si la plainte de l’administration fiscale saisit nécessairement le procureur de la République de tous les faits qu’elle dénonce et si ce magistrat ne peut exercer de poursuites devant le tribunal correctionnel que de ces seuls faits, il peut poursuivre toutes personnes, même non visées dans la plainte, contre lesquelles il estime qu’il existe des charges suffisantes d’avoir commis les délits dénoncés. En l’espèce, le gérant de fait (le père) avait lui-même reconnu au cours des débats avoir géré la société après avoir pris sa retraite.
Cette position de la Haute Juridiction n’est pas nouvelle mais a le mérite de rappeler les principes de la saisine in rem du juge d’instruction qu’ont souvent tendance à oublier les contribuables…
Pour lire l’arrêt de la Cour de cassation, veuillez cliquer ici : Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 juin 2017, n°16-81.697
Sahand SABER – Avocat au Barreau de Paris
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