L’obligation d’information entre professionnels et l’usage normal de la chose précisés par la jurisprudence

Dans un arrêt de la Cour de cassation du 23 mai 2024 n°22-20.448, les juges du droit se sont questionnés sur l’existence d’une obligation d’information entre deux professionnels et ont apprécié la notion d’usage normal d’une chose en matière de garantie des vices cachés.

En l’espèce, la société Agrovin avait vendu des appareils de traitement du vin à la société Domaine Montariol Degroote. Parallèlement, afin de permettre le traitement du vin, la société Agrovin avait acheté de l’acide chlorhydrique auprès de la société Brenntag.

Toutefois, après avoir subi des plaintes de sa clientèle, la société Degroote a assigné en réparation de son préjudice les deux sociétés Agrovin et Brenntag.

À la suite de la condamnation par la Cour d’appel de la société Brenntag à hauteur de 70% et la société Agrovin à hauteur de 30 % du réparation du préjudice subi, ces dernières ont formé un pourvoi en cassation.

Tout d’abord, la Cour de cassation casse et annule la décision de la Cour d’appel eu égard à l’obligation d’information détenue par la société Brenntag en tant que vendeur professionnel vis-à-vis de la société Agrovin en tant qu’acheteur professionnel.

En effet, la Haute Juridiction juge que la qualité de spécialiste de la société Agrovin dans le secteur œnologique et la technicité du produit commandé caractérisaient le fait que la société disposait des moyens d’apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques. La société Brenntag n’était alors nullement tenue d’une obligation d’information vis à vis de la société Agrovin.

Par ailleurs, le régime de la garantie des vices cachés, entrainant la responsabilité du vendeur a également été précisé par la Cour de cassation.

En effet, les juges du droit réalisent dans cet arrêt un contrôle in concreto de la caractérisation de l’usage normal. En l’espèce, ils opèrent une distinction entre l’acide chlorhydrique de qualité « alimentaire » et l’acide de qualité « technique ». Ce dernier ne pouvant être utilisé à des fins alimentaires seulement dans des cas très restreints, son usage alimentaire en l’espèce ne pouvait dès lors être considéré comme « normal », de sorte que le produit était affecté d’un vice caché.

Ainsi, la possibilité pour l’acide de qualité « technique » d’être utilisé ponctuellement pour un usage alimentaire ne saurait constituer un usage normal et ainsi permettre au vendeur d’échapper à sa responsabilité au titre de la garantie des vices cachés.

Par conséquent, la Cour de cassation renforce l’obligation pour l’acheteur professionnel de s’informer lorsqu’il dispose de moyens techniques pour apprécier les caractéristiques du produit vendu. Le vendeur professionnel ne saura pas tenu de l’informer.

Enfin, la qualité d’« usage normal » de la chose vendue est appréciée in concreto en fonction des pratiques professionnelles du secteur d’activité, et la simple possibilité d’utiliser alternativement la chose ne suffit pas à caractériser un « usage normal ».

Le vendeur professionnel doit donc être vigilent et doit se renseigner sur les pratiques professionnelles du secteur dans lequel s’inscrit la vente de la chose afin de ne pas voir sa responsabilité engagée aux termes de la garantie des vices cachés.

Jonathan Elkaim – Avocat

Victoire Dériot – Juriste 

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