Twitter poursuivi en justice par l’AFP pour atteinte aux droits voisins
Le Tribunal judiciaire de Paris a rendu le 23 mai dernier deux ordonnances de référé condamnant la société Twitter à fournir à l’Agence France-Presse (AFP) et à plusieurs éditeurs de presse [1] les informations permettant de calculer la rémunération due à ces derniers pour l’exploitation de leurs publications sur X (anciennement Twitter).
Dès 2020, les éditeurs de presse et l’AFP ont demandé au réseau social Twitter de mettre en place un dispositif de rémunération pour les publications de presse leur appartenant, que le réseau social publie, en vain.
Les 11 juillet et 2 août 2023, les éditeurs de presse et l’AFP ont alors respectivement assigné les sociétés Twitter International Unlimited Compagny et SAS Twitter France devant le Président du Tribunal judiciaire de Paris en référé aux fins d’obtenir la communication d’informations nécessaires à la fixation de la rémunération demandée.
Il est à rappeler que l’article L. 218-4 du Code de la propriété intellectuelle, issu de la loi du 24 juillet 2019 transposant la Directive 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins [2], octroie aux éditeurs et agences de presse une rémunération en contrepartie de la reproduction et de la communication au public de leur publications de presse sous une forme numérique.
A ce titre, il convient de fixer le montant d’une telle rémunération en prenant en compte plusieurs éléments. Les demandeurs souhaitaient ainsi obtenir « les données chiffrées et statistiques permettant de déterminer avec précision l’ensemble des éléments d’informations prévus par l’article L.218-4 du Code de la propriété intellectuelle ». Ont ainsi notamment été demandées la liste exhaustive des images AFP publiées sur X, le nombre d’impression et le taux de clics sur impression sur X/Twitter du contenu protégé des publications des demandeurs etc…
La forme du référé est justifiée selon les demandeurs par « un contexte de crise économique majeure de la presse » entraînant une baisse de leur recette publicitaire.
En défense, les sociétés Twitter soulevaient entre autres le défaut de qualité à agir des demandeurs en ce que ceux-ci ne pouvaient se prévaloir des dispositions législatives relatives aux droits voisins ou encore qu’il soit sursis à statuer dans l’attente d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne relative à cette obligation de rémunération.
Le Président du Tribunal judiciaire, après avoir vérifié si les conditions du référé étaient bien remplies, a écarté les demandes des défendeurs et a jugé l’AFP et les éditeurs de presse bien créanciers de l’obligation d’obtention des informations demandées pour la rémunération qui leur est due.
Le Tribunal judiciaire de Paris a ainsi condamné en référé la société Twitter International Unlimited Compagny (et non pas la société française) à communiquer bon nombre d’informations relatives à la rémunération invoquée, dans un délai de 2 mois à compter de la signification des ordonnances.
Les informations à communiquer reprennent pour partie les informations invoquées par les demandeurs.
Par ailleurs, la société Twitter International Unlimited Compagny est tenue à une astreinte d’un montant de 2 000 euros par jour de retard si elle ne transmet pas les informations à l’AFP et de 3000 euros si elle ne les transmet pas aux éditeurs de presse.
Ces deux décisions ont fait grand bruit. L’on comprend leur écho tant le contexte de ces dernières années fait émerger l’urgence de sanctionner les GAFAM pour leur non-respect du droit et surtout du droit d’auteur et des droits voisins.
Reste donc à savoir si la société Twitter exécutera cette décision.
La question trouve en effet à se poser lorsqu’on sait que celle-ci a déjà été condamnée en 2021 par le même tribunal à communiquer des informations relatives cette-fois ci aux « moyens matériels et humains mis en œuvre pour lutter contre la diffusion des infractions d’apologie de crimes contre l’humanité, d’incitation à la haine raciale … », communication qui n’avait pas été faite et ayant valu un parcours judiciaire menant jusqu’à la Cour de cassation.
Jonathan ELKAIM – Avocat
Eden TERCERO – Juriste
[1] Société du Figaro, Les Echos, Le Parisien Libéré, Société Editrice du Monde, Le Nouvel Observateur, Télérama, Courrier International, Malesherbes Publications et Le Huffington Post
[2] Directive (UE) 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE
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