Le Parisien – Me Sahand Saber : «Balkany en prison ? un choix de culture»

Me Sahand Saber a publié une Tribune dans le journal Le Parisien et y développe l’idée selon laquelle l’incarcération de Patrick Balkany traduit la volonté du Juge français de sanctionner le délit de fraude fiscale par un retour aux origines culturelles de l’emprisonnement.

Me Sahand Saber : «Balkany en prison ? un choix de culture»

Dans une tribune au Parisien – Aujourd’hui en France, l’avocat Me Sahand Saber revient sur l’incarcération de Patrick Balkany et ce qu’elle révèle sur notre société.

« Plusieurs voix se sont élevées au sein de la communauté des juristes pour dénoncer la mesure d’incarcération prononcée contre Patrick Balkany, considérant qu’elle ne tenait compte ni de l’appel qu’interjetterait le maire de Levallois contre sa condamnation ni des garanties de représentation dont il justifiait pour assurer la justice qu’il déférerait à toute obligation qu’elle lui imposerait.

En face, la culture du c’est-bien-fait-! a enfin pu crier victoire, convaincue du caractère dissuasif de l’emprisonnement. Avec Patrick Balkany, elle s’est relevée des suites de l’affaire Cahuzac qui ne vit pas l’ancien ministre du Budget écroué. Elle abattait aussi un homme devenu un symbole de par l’importance de la fraude et sa personnalité enthousiaste toujours jugée outrancière et indécente.

La dispute qui oppose, d’un côté, la satisfaction d’une justice prompte et forte et, d’un autre côté, la recherche d’une solution alternative, pose une question : que nous dit l’incarcération de Patrick Balkany sur notre société?

Lors d’une conférence donnée à Sciences-po Paris en avril 2017 avec pour thème « le bilan de la politique pénale du quinquennat », le magistrat Jean-Baptiste Parlos, conseiller à la Cour de cassation et président de la Cour de justice de la République, avait déclaré, à des étudiants et quelques avocats présents pour protester contre l’accroissement de la population carcérale, que la prison était un « choix de culture ». Il faut remonter en des temps plus anciens pour comprendre que ce « choix de culture » est le produit d’une histoire judiciaire qui refuse d’évoluer depuis les années 1820.

Avant les réformes de cette époque, la prison ne constituait pas une mesure sanctionnatrice des infractions pénales. Les peines de prison avaient un objet essentiellement civil et étaient de deux types : l’enfermement-gage qui assurait de la disponibilité d’une personne ou du désintéressement d’un créancier, et l’enfermement-substitut qui préservait l’ordre et la moralité publique d’une personne à travers un projet de redressement. Aucun de ces enfermements ne résultait d’une décision à caractère pénal. En effet, les condamnations des juridictions pénales avaient pour particularité de s’attaquer physiquement aux condamnés en les soumettant à des supplices en public.

Pour Michel Foucault, l’opposition des mesures civiles et pénales sous l’Ancien Régime démontre que les mesures civiles sont prévues pour surveiller une catégorie de la population, alors que les mesures pénales et le spectacle qu’elles offrent, « l’éclat des supplices », sont un rappel de l’autorité du souverain sur ses sujets. Mais avec les réformes du XIXe siècle et l’entrée progressive des peines d’emprisonnement dans la justice pénale, la civilisation du spectacle s’est abandonnée en faveur de la société de surveillance.

L’incarcération de Patrick Balkany a cette particularité d’associer la logique de surveillance contre les fraudeurs fiscaux qui constituent désormais une catégorie déterminée de la population à raison de la faillite morale dont ils se frappent eux-mêmes par la commission d’un tel délit, et la logique spectaculaire du supplice appliqué au politicien fraudeur. Ainsi, notre « choix de culture » fait de l’incarcération de Patrick Balkany un retour à nos racines socio-judiciaires : la justice entend faire de la fraude fiscale un nouvel espace de surveillance tout en prenant à témoin l’opinion publique. Regrettable. »

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