Éditeurs de presse français face à l’IA : l’ouverture des négociations réclamée
Le secteur de la presse prend largement part à la mobilisation menée tant à l’échelle nationale qu’internationale, à l’encontre des dangers que représente l’intelligence artificielle.
C’est ainsi que l’Agence de la Presse d’Information Générale (APIG) et le Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM), se sont inscrits dans ce mouvement à travers la réalisation d’un « courrier d’ouverture de négociations » à destination des acteurs de l’intelligence artificielle, le 7 juin dernier.
Ces deux organismes regroupant plus de 200 éditeurs et 800 titres, se sont ainsi adressés à 25 entités telles que Google, Open AI, Meta ou encore Mistral avec un objectif clair : « encadrer l’utilisation de leurs publications par les services d’IA générative en fixant notamment les conditions financières et les modalités techniques de cette utilisation ».
Nombreux sont désormais les organismes de presse découvrant l’utilisation non autorisée de leurs contenus par des systèmes d’intelligence artificielle, à l’instar du New York Times ayant récemment porté plainte contre Open AI et Microsoft pour violation de ses droits d’auteur.
À l’échelle nationale, l’article 15 de la Directive 2019/790 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique, transposé aux articles L.218-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, accorde une protection des publications de presse numériques aux éditeurs et agences de presse. L’utilisation de ces contenus est ainsi soumise à l’autorisation de ces derniers, en contrepartie d’une rémunération appropriée et équitable.
Cette dernière est fixée selon des critères précis. À ce titre, l’article L.218-4 du Code de la propriété intellectuelle prévoit que cette rémunération repose sur « les recettes de l’exploitation de toute nature, directes ou indirectes ou, à défaut, évaluée forfaitairement (…) ».
L’alinéa 2 de cet article précise également que les « investissements humains, matériels et financiers réalisés par les éditeurs et les agences de presse » ainsi que « la contribution des publications de presse à l’information politique et générale et l’importance de l’utilisation des publications de presse par les services de communication au public en ligne » constituent autant d’éléments à prendre en compte lors de la fixation du montant de la rémunération.
C’est ainsi que l’APIG et le SEPM exigent l’ouverture de négociations aux fins d’établir précisément les conditions d’utilisation de leurs contenus par les acteurs de l’intelligence artificielle.
Ces organismes de presse souhaitent ainsi éviter que leurs contenus ne soient utilisés sans leur autorisation et par la même, sans rémunération. Il est ainsi nécessaire pour ces derniers de connaître précisément quels contenus ont été utilisés par les systèmes d’intelligence artificielle.
Pour ce faire, l’obligation de transparence, largement évoquée dans l’utilisation de systèmes d’intelligence artificielle, laisse apparaître toute son utilité dans un tel contexte.
Le Règlement sur l’intelligence artificielle, publié ce 12 juillet dernier, fait de cette obligation un outil de convergence entre les intérêts des différentes parties. Ainsi, l’article 53 de ce texte européen énonce en son point 1, que les « fournisseurs de modèles d’IA à usage général élaborent et tiennent à jour la documentation technique du modèle y compris son processus d’entraînement ».
De plus, le point d) de cet article précise que ces mêmes personnes doivent élaborer et mettre « à la disposition du public un résumé suffisamment détaillé du contenu utilisé pour entraîner le modèle d’IA à usage général (…). »
Au regard de ce texte, dont les premières dispositions trouvent à s’appliquer dès le mois d’août prochain, les demandes sollicitées par les organismes de presse s’en trouveront renforcées.
Une telle démarche négociatrice doit être suivie d’effets. À défaut, Pierre Petillaut, directeur général de l’APIG a annoncé se réserver « le droit d’aller en contentieux, même si ce n’est pas la première option ».
Pour l’heure, les destinataires de ce courrier n’ont pas fait connaître de réponse…
Jonathan ELKAIM – Avocat
Eden TERCERO – Juriste
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