Compte-rendu Table Ronde « Quand l’IA nous laisse sans voix »

Chère Madame, Cher Monsieur,

Nous tenions à vous remercier chaleureusement d’avoir assisté et participé à la conférence « Quand l’IA nous laisse sans voix » qui s’est tenue le 09 décembre 2025 dans les locaux de « we are » Paris.

Nous sommes convaincus que c’est en ouvrant la discussion entre juristes, politiques, producteurs, artistes-interprètes, que nous pourrons proposer des mesures efficaces permettant la protection de l’ensemble des acteurs du marché de la création artistique audio-visuelle.

A ce titre, vous trouverez ci-après un compte-rendu des principaux points discutés lors de cette conférence.

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Point 1 : Vers une consécration juridique de la notion de la voix

Dans la lignée de l’arrêt du 17 octobre 2025 de la Cour d’appel de Paris (RG n°23/11112) consacrant une autonomie du droit à la voix, nous avons proposé une définition explicite de la voix au sein du Code civil qui permettrait une protection renforcée contre les usages non autorisés :

« La voix est une manifestation sonore de la personne humaine, résultant de ses caractéristiques physiologiques propres, telles que le timbre, la fréquence, l’amplitude, la tessiture, le rythme, l’intonation, la prosodie, le débit ou encore les résonances, qui, par leur combinaison singulière, sont de nature à identifier ou rendre identifiable l’individu qui en est la source. »

POINT 2 :Des perspectives prometteuses à l’étranger

Plusieurs lois ou propositions de loi à l’étranger offrent des solutions prometteuses dans le sens d’une mise en balance responsable et éthique entre d’une part le développement de l’intelligence artificielle et d’autre part la protection des droits des artistes-interprètes :

  • Au Japon : la loi sur la promotion de l’IA
  • En Californie : le Bill CA AB1836 et le Senate Bill 53
  • En Italie : la loi n° 1146-B
  • Au Danemark : projet de proposition de loi sur le droit d’auteur

Ces outils législatifs s’accompagnent par ailleurs de décisions de justice encourageantes :

  • En Allemagne : GEMA c/ Open AI
  • Dans l’état de New-York : la décision New York Times c/ Open AI
  • En Europe (CJUE) : la décision Dun & Bradstreet Austria
POINT 3 : Des propositions pour une mobilisation de la négociation contractuelle

Bien que la réalité démontre que la négociation contractuelle ne se déroule pas toujours à armes égales, le contrat demeure l’un des outils majeurs permettant de consolider la protection des artistes-interprètes contre une utilisation illicite de leurs prestations.

C’est dans ce cadre que nous avons proposé plusieurs clauses contractuelles que vous trouverez ci-après.

Clause d’interdiction de l’utilisation de l’interprétation de l’artiste-interprète

“De convention expresse, entre l’Artiste-interprète et le Producteur, l’enregistrement relatif à la prestation du comédien et de tout attribut de sa personnalité, en ce compris la voix, ne pourra en tout ou partie, faire l’objet d’une utilisation à des fins d’entraînement, d’apprentissage automatique et de développement d’un système d’intelligence artificielle, ni faire l’objet d’un processus de synthétisation sonore ayant pour objet de reproduire de manière identique ou similaire la voix de l’Artiste-Interprète et/ou l’interprétation résultant du présent Contrat.

Cette obligation s’étend à la reproduction de la voix et/ou l’interprétation de l’Artiste-Interprète destinée à tout logiciel dont la finalité consisterait à assembler des mots et/ou des intentions dans tout ordre que celle-ci ait été réellement effectuée ou non, ainsi qu’à modifier et/ou reproduire en tout ou partie la tessiture vocale de l’Artiste-Interprète et ses intentions de jeu dans le cadre de l’interprétation réalisée au terme des présentes.

Afin d’assurer la pleine et entière application des stipulations précitées, le Producteur garantit à l’Artiste-Interprète qu’il prendra toute mesure technique, légale, règlementaire et/ou contractuelle à cette fin.

Cette clause constitue une obligation essentielle sans laquelle l’Artiste-Interprète ne saurait consentir aux obligations définies au présent Contrat.”

Clause d’utilisation contrôlée et délimitée de la prestation du comédien

“L’utilisation de l’enregistrement de la prestation du Salarié (Artiste-Interprète) et plus généralement de sa voix n’est autorisée que de manière limitée aux fins de réalisation du présent contrat, si et seulement si, cette prestation fait l’objet d’un traitement licite, loyal et transparent.

L’utilisation de la prestation de l’Artiste-Interprète par un système d’intelligence artificielle doit répondre à une finalité déterminée, explicite et légitime. A cette fin, l’utilisation de celle-ci n’est pas autorisée dans un but de concurrence directe ou indirecte, présente ou future, avec celui-ci. L’utilisation de la prestation de l’Artiste-Interprète n’est autorisée pour aucune situation visant à le discréditer, à porter atteinte à son honneur ou à sa considération et/ou de manière générale contre tout acte susceptible de constituer un délit civil ou pénal.

La présente clause n’autorise l’utilisation de la prestation de l’Artiste-Interprète et donc de sa voix seulement pour la finalité de ce contrat.

La présente clause conditionne chaque utilisation de la voix de l’Artiste-Interprète au versement d’une rémunération conforme aux usages.”

Clause d’information préalable relative à l’utilisation de contenus générés par intelligence artificielle

“Dans l’hypothèse où la prestation de l’Artiste Interprète repose, en tout ou partie, sur un contenu, une œuvre, un texte, une musique, une image, une vidéo ou tout autre élément fourni par le Producteur (ou toute autre partie au contrat) ayant été généré, assisté ou modifié par un système d’intelligence artificielle, le Producteur s’engage à en informer expressément et par écrit l’Artiste Interprète avant la conclusion du contrat.

Cette information devra préciser la nature du contenu concerné ainsi que le degré d’intervention de l’intelligence artificielle dans sa création.

À défaut de respect de cette obligation d’information préalable, l’Artiste Interprète pourra, de plein droit et sans préavis, prononcer la résolution du présent contrat, sans que cette décision puisse donner lieu à quelque indemnité au profit du Producteur.

Toute utilisation d’un contenu généré par intelligence artificielle sans information préalable sera considérée comme une violation substantielle des obligations contractuelles du Producteur.”

Point 4 : Une proposition de « carte d’identité numérique » dans le cadre d’un registre

S’agissant des discussions autour des potentielles mesures techniques qui pourraient être utilisées pour identifier avec précision l’origine de la voix ou de l’interprétation utilisée, plusieurs participants se sont accordés sur une proposition d’une « carte d’identité numérique » par un procédé utilisant la blockchain ou le watermarking, un standard robuste type C2PA et un protocole de conformité. 

Ce registre aura notamment pour objectif la création d’une société de gestion collective de la voix.

En signant la pétition, ces personnes ont montré leur engagement à cette idée forte à laquelle l’ADAMI se joint. 

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Responsabiliser, appliquer et anticiper, tels étaient les maîtres-mots de cette table ronde et tels sont les principes essentiels à retenir pour mettre en place les nouvelles étapes.

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Nous vous disons à bientôt ! 

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