20 Minutes – Procès pour proxénétisme à Paris: «Ce n’est plus de la prostitution. C’est du braconnage!», lâchent les parents d’une victime
Au beau milieu d’une lecture un peu monotone, la présidente de la 15e chambre du tribunal correctionnel de Paris s’arrête brusquement sur le mot « collège ». Pour elle, il est nécessaire d’insister. « Quand je dis que certains des prévenus allaient chercher cette jeune fille au « collège », cela veut bien dire qu’elle avait l’âge d’être « collégienne »… », reprend-elle.
Les douze jeunes hommes d’à peine 20 ans qui lui font face baissent alors les yeux.Comme s’ils venaient de se rendre compte qu’ils comparaissent, depuis ce lundi, pour« proxénétisme aggravé » au préjudice de quatorze jeunes filles, dont huit mineures. T-shirt tape-à-l’œil et barbe soignée, le premier à venir à la barre commence d’ailleurs par reconnaître les faits. De façon un peu maladroite. Racontant comment les adolescentes « travaillent », « bossent » ou « font des clients », il se fait reprendre un peu sèchement par la juge. « Non, on va arrêter ça. Elles ne travaillaient pas ! Elles se prostituaient ! »
«Des jeunes femmes consentantes, voire désireuses de faire ça…»
Ce n’est pas une question de vocabulaire. Plutôt l’illustration d’un phénomène de société qui inquiète de plus en plus les autorités. « Ces jeunes filles ne se considèrent pas comme des prostituées. Au départ, elles se présentent comme des « escorts », déplore Vanina Meplain, avocate de l’association Équipes d’action contre la proxénétisme (EACP), partie civile dans la procédure. Pour elles, c’est un moyen de s’acheter le dernier sac à la mode ou une paire de Louboutin. »
Avocat de l’un des prévenus, Sahand Saber ose même aller encore plus loin. « Ces jeunes femmes sont consentantes, voire désireuses de faire ça. Quand on voit que Zahia est devenue une égérie de mode après avoir fait la Une des journaux pour s’être prostituée, cela montre à quel point notre système de valeurs s’effondre… »
Les proxénètes se cachaient à proximité des chambres
Sauf qu’il s’agit bien de prostitution au final. Alpaguées via les réseaux sociaux -Instagram notamment- ou à la sortie du collège ou du lycée où on leur promet « beaucoup d’argent rapidement », les jeunes filles se retrouvent à enchaîner cinq à dix passes par jour dans des hôtels de la banlieue parisienne ou des appartements loués sur Airbnb pour l’occasion.
L’instruction a révélé un système bien rodé selon lequel les prévenus « testaient les performances sexuelles » des jeunes filles puis, les prenaient en photo en sous-vêtements avant de mettre en ligne des annonces sur les sites spécialisés tels que Vivastreet. Ils leur fournissaient un téléphone pour répondre aux appels et des préservatifs. Et allaient se cacher aux abords de la chambre afin d’être sûr de récupérer le montant de la passe.
Aux policiers, l’une des jeunes filles a raconté avoir fondu en larmes le premier soir après le troisième client. Avant d’être consolée par deux « copines » qui lui ont rappelé « l’argent facile ». Sauf qu’au fil du temps, les proxénètes se sont montrés de plus en plus gourmands. « Et les filles ont commencé à sombrer », poursuit Vanina Meplain. L’une d’entre elles s’est confiée à la mère d’une amie avant de se décider à « affronter le regard de sa propre mère » qui l’a alors envoyée au commissariat déposer plainte.
Aucune des filles ne souhaite venir témoigner
Aujourd’hui, toutes ces jeunes filles sont les grandes absentes de ce procès. Aucune d’entre elles ne souhaite témoigner pour l’instant. « Par honte mais aussi par peur des représailles », poursuite Vanina Meplain. Car si les prévenus ont été mis hors d’état de nuire, d’autres semblent avoir déjà pris le relais.
Complètement perdus dans le prétoire, les parents d’une jeune fille confiaient, en larmes, ne pas savoir comment aider leur fille aujourd’hui à s’en sortir. « Ce n’est plus de la prostitution. C’est du braconnage ! » Le procès doit se poursuivre jusqu’au 3 juillet. Les prévenus encourent une peine de dix ans de prison.
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