Réflexion : Le chef d’entreprise est-il un humain comme les autres ?
La pratique judiciaire nous offre l’occasion de comprendre le chef d’entreprise. Dans ses décisions. Dans ses choix. Dans les arbitrages qui lui reviennent et dans la solitude de ses réflexions.
Elle jette une lumière sur ce que l’on sait moins de lui : la préoccupation d’assurer la poursuite de l’activité, de promouvoir un savoir-faire, de verser les salaires, d’éviter toute perte d’emploi dont des familles entières pourraient pâtir.
Sans doute, certains confondent leur propre personne avec l’entreprise qu’ils dirigent, au point d’en oublier les forces vives qui font sa consistance et son ancrage. Mais majoritaires sont ceux qui font corps avec leur mission, avec l’activité économique qu’ils dirigent, en même temps que son projet humain et social.
La justice est acquise à l’idée que le justiciable ne peut avoir une réelle place en société que s’il travaille, que s’il vit d’un emploi. Car le travail, nous dit la justice, rend vertueux.
Il est gage d’une vie honnête et d’une capacité à entretenir des relations sociales. À réguler sa vie, à l’ordonner, à la caler sur le rythme du reste de la société. Et ainsi à l’accorder avec les valeurs qui fondent le tissu social. En somme, le travail nous aide à faire société avec ceux qui nous entourent.
La société a donc besoin de l’entreprise. Besoin surtout de ceux qui assument le risque pour les autres. De ceux à qui la loi offre peu de protection. Si peu d’ailleurs que le moindre écart peut les conduire au cabinet d’un juge d’instruction, à la barre d’un tribunal, pour faire face à la loi.
La recherche de l’enrichissement est souvent reprochée au chef d’entreprise, même lorsque la faute ne relève pas d’un acte de gestion.
Cette perception est celle d’une justice ignare de la météo du monde économique, de son caractère imprévisible, sa complexité toujours plus complexe. Des lois de simplifications qui imposent plus d’obligation encore. Des services de l’Etat qui, incapables de répondre, nous invitent à utiliser la rubrique « contactez-nous ».
Renoncer ou s’exiler ? Envie de rester. Malgré les difficultés. Et frauder ? Un mal pour un bien ? Une fatalité nécessaire ? Liée peut-être à une erreur de gestion ? Qui n’en fait jamais ? Qui n’a jamais merdé ? Mais vaut-elle que l’on périsse tous ?
Alors un écart, une correction sur un tableau de bord, indolore pour la société, indolore pour la concurrence. Un arrangement pour tous. Pour les employés, pour les fournisseurs, pour les prêteurs, pour les investisseurs. Oui, la fraude, c’est mal. Mais l’homme qui la décide ne se révèle pas fraudeur. Il fait face au risque pour tous. Pour les sauver tous. Pour les défendre tous.
Par Sahand SABER, Avocat au Barreau de Paris
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