Le nouveau label fiscal : véritable garantie ou erreur de communication?

Dans le cadre de l’examen en séance publique de l’article 7 du projet de loi pour un Etat au service d’une société de confiance, dont l’objet est précisément d’intégrer la notion de droit à l’erreur dans le droit fiscal français afin de fluidifier les relations entre les contribuables et l’administration fiscale, les députés ont adopté un amendement dont l’objet serait de permettre à la Direction générale des Finances Publiques de labelliser les entreprises dont elle aura préalablement examiné les vertus fiscales[1].

Il s’agit en réalité de permettre à certaines entreprises, en l’occurrence les grands groupes, de solliciter l’administration fiscale afin qu’elle certifie la légalité de leurs opérations suivant une procédure de « rescrit dynamique »[2].

Dans l’exposé sommaire qui explique les raisons de l’adoption de cet amendement, il est indiqué qu’une telle mesure a pour effet d’encourager la « responsabilité fiscale des entreprises » et serait complémentaire avec le « name and shame » (voir notre actualité du 7 février 2018[3]). C’est d’ailleurs comme cela que le présente le Ministre de l’Action et des Comptes publics depuis plusieurs mois[4].

Au-delà du fait que cet exposé suggère que les entreprises sont par nature fiscalement irresponsables, cet amendement pose autant de difficultés pratiques que le « name and shame », dans la mesure où il faudra nécessairement déterminer les critères qui gouverneront à sa mise en œuvre.

Tout d’abord, s’agira-t-il d’un droit discrétionnaire pour l’administration fiscale, ou d’un droit pour le contribuable qui aura accueilli les fonctionnaires de la Direction générale des Finances Publiques au sein de ses locaux pour vérifier sa situation fiscale ?

S’il s’agit d’un droit discrétionnaire de la Direction générale des Finances Publiques, cette faculté sera par nature inégalitaire : en effet, il y aura les heureux élus, et les autres. S’il s’agit d’un droit pour le contribuable, il y a un risque à ce que certaines entreprises recherchent ce « label fiscal » afin de s’en servir pour des enjeux de communication qui pourraient alors se retourner contre l’administration fiscale elle-même : que faire d’une entreprise « labellisée » qui finalement aurait des délicatesses avec le droit fiscal ?

Ensuite, c’est une fois encore le grand retour de la morale dans le droit.

Si l’impératif du respect des principes fondamentaux du consentement à l’impôt et de l’égalité devant les charges publiques peut justifier, jusqu’à une certaine mesure, la mise en œuvre de procédure exorbitante du droit commun, il ne devrait pas permettre à l’administration fiscale de distribuer les bons points (le label fiscal) et les mauvais (le shame and name) pour la simple et bonne raison que la Justice rend ses décisions au nom du peuple français, et de manière – déjà – publique. Il suffit, s’il faut encore s’en convaincre, de lire la presse au sujet de l’affaire CAHUZAC.

Il ne faut jamais oublier que l’administration fiscale exerce ses prérogatives comme une autorité de régulation, et que son intervention a pour objet de mettre un terme aux comportements contraires aux lois, suivant l’utilisation de plusieurs procédures, dont la plainte pour fraude fiscale, mais également l’application de majorations ou de pénalités en fonction de la gravité des faits constatés.

Si la possibilité du rescrit existe déjà, la volonté du Gouvernement d’en systématiser son recours a pour objet de changer le référentiel habituel des agents de l’administration fiscale. Il en est de même avec la reconnaissance du droit à l’erreur (dont les cas d’applications seront cependant encadrés).

Cependant, si nous comprenons que l’objectif est de favoriser l’émergence d’une meilleure coopération entre les contribuables et leur administration, afin de mettre un terme à la méfiance réciproque qui guident actuellement les relations de part et d’autre, sans doute à tort d’ailleurs, le législateur ne doit pas se croire obligé de transformer la Direction Générale des Finances Publiques en agence de communication.

[1] http://www.assemblee-nationale.fr/15/amendements/1056/AN/110.asp

[2] L’expression a été utilisée par Monsieur Bruno PARENT, Directeur général des Finances Publiques, dans le cadre des auditions devant l’Assemblée Nationale.

[3] https://www.hiro-avocats.com/fr/publications/article/de-balance-ton-porc-a-balance-ton-fraudeur-bientot-un-nouvel-hashtag-.html

[4] https://www.capital.fr/economie-politique/loi-anti-fraude-gerald-darmanin-en-dit-plus-sur-la-future-police-fiscale-1280744

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