La marque de l’Union européenne « Pablo Escobar », insusceptible de dépôt selon le Tribunal de l’Union européenne
La société portoricaine Escobar Inc. fondée en 1984 par Robert Escobar, frère du célèbre narco-trafiquant Pablo Escobar, a déposé le 30 septembre 2021 auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), une demande d’enregistrement de la marque verbale de l’Union européenne « Pablo Escobar » pour les classes 3, 5, 9, 10, 12 à 16, 18, 20, 21, 24 à 26 et 28 à 45 de l’arrangement de Nice.
Cette société se décrit comme étant gérante « de toute la propriété intellectuelle relative à Pablo Escobar, tels que les droits d’auteur, les marques déposées et tous les autres droits ».
Pour rappel, Pablo Escobar, décédé en 1993, est présumé être un baron de la drogue et un narcoterroriste ayant fondé le cartel de Medellin (Colombie) dont il était le chef.
Par une décision du 1er juin 2022, l’examinateur a rejeté la demande de la société.
Le 26 juillet 2022, la société a donc formé un recours contre cette décision. La cinquième Chambre de recours de l’EUIPO l’a également rejeté en ce que la marque demandée est « contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs ».
La société Escobar Inc a donc saisit le Tribunal de l’Union européenne aux fins d’obtenir l’annulation de la décision, en vain. Elle fait valoir devant lui trois principaux moyens :
En premier lieu, elle estime notamment que des noms de personnages « mythiques, symboliques ou archétypaux dans la culture populaire dominante » tels que « Robin des Bois », « Che Guevara » ou encore « Al Capone » auraient déjà été enregistrés à titre de marque. Il convient donc de considérer que ces derniers respectent l’article 7, paragraphe 1, sous f) du règlement 2017/1001, posant explicitement la condition du respect par toute marque de l’ordre public et des bonnes mœurs.
A cet argumentaire, le Tribunal de l’Union européenne dans un arrêt rendu le 17 avril dernier, précise la notion de public pertinent à prendre en compte pour l’application de l’article 7 précité. Il est en l’espèce question du public espagnol, en ce que ce dernier connaît le mieux Pablo Escobar en raison des liens entre l’Espagne et la Colombie.
Les juges relèvent donc que la marque « Pablo Escobar », « choquera non seulement le public auquel les produits et les services désignés par le signe sont adressés, mais aussi d’autres personnes qui (…) seront mises en présence de ce signe de manière incidente dans leur vie quotidienne ».
Ainsi une partie non négligeable du public pertinent espagnol associerait la marque à la personne de Pablo Escobar et donc aux crimes commis par le cartel de ce dernier.
Ces crimes étant considérés comme absolument contraires aux principes éthiques et moraux, à la fois en Espagne mais aussi dans tous les Etats Membres de l’Union, une atteinte à l’ordre public et aux bonnes mœurs est ainsi bien caractérisée.
En second lieu, la société requérante fait valoir que la Chambre de recours n’aurait pas suffisamment précisé les raisons pour lesquelles le nom de « Pablo Escobar » ne peut être enregistré. Le Tribunal affirme que cet argument est infondé. La Chambre de recours à de « manière suffisamment claire et non équivoque » précisé en quoi les personnes concernées percevraient ce nom comme un « symbole offensant d’une criminalité organisée à l’origine de nombreuses souffrances », justifiant ainsi une pleine contrariété à l’ordre public et aux bonnes mœurs.
Enfin, la société requérante oppose, en vain, une violation du droit à la présomption d’innocence par la Chambre de recours. Cette dernière aurait en effet fondé son raisonnement sur la base d’actes criminels présumés, pour lesquels Pablo Escobar n’a pas été jugé.
Pour autant, bien que ce dernier n’ai fait l’objet d’aucune condamnation, il n’en est pas moins perçu en Espagne, « comme un symbole d’une criminalité organisée, responsable de nombreux crimes ». Le droit à la présomption d’innocence est ici pleinement respecté.
Le Tribunal de l’Union européenne confirme ainsi les refus du dépôt de la marque « Pablo Escobar ».
Jonathan Elkaim – Avocat
Eden Tercero – Juriste
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