Influenceurs : que dit la loi du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux ?

Brève sur la loi visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux.

Promulguée le 9 juin dernier, la loi visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux entend fournir un socle de normes destinées à la régulation des activités de l’influence, dont les pratiques et le statut se doivent d’être mieux définis et légalement encadrés.

  • La définition d’influenceur :

Par ce texte, le législateur consacre une définition de l’influenceur, dont il est précisé qu’il s’agit d’une « personne physique ou morale qui, à titre onéreux, mobilise sa notoriété auprès de son audience pour communiquer au public, par voie électronique, des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque, exerce l’activité d’influence par voie électronique » (Article 1).

Ainsi l’influenceur peut-il être défini comme une personne dont l’activité a pour objet de diffuser des contenus promotionnels par voie électronique, en échange d’une rémunération.

  • L’activité d’agent d’influenceur.
  • La définition de l’agent d’influenceur :

La loi pose également une définition de l’agent d’influenceur, dont l’activité « consiste à représenter, à titre onéreux, les personnes physiques ou morales exerçant l’activité d’influence commerciale par voie électronique […] dans le but de promouvoir, à titre onéreux, des biens, des services ou une cause quelconque » (Article 7).

L’agent d’influenceur peut donc être défini comme une personne dont l’activité à pour objet de représenter l’influenceur dans son activité promotionnelle, en échange d’une rémunération.

 

L’encadrement des rapports entre influenceur et agent d’influenceur :

La loi entend responsabiliser les agents d’influenceur, en précisant qu’il leur incombe de défendre les intérêts des influenceurs qu’ils représentent en évitant les conflits d’intérêts et en s’assurant de la conformité de leurs activités à la présente loi (Article 7).

La loi offre également un cadre au contrat conclu entre l’influenceur et l’agent qui le représente : conclu par écrit, il s’accompagne d’une série de mentions, relatives à l’identité et aux droits et obligations des parties, à la nature des missions confiées, à la rémunération de l’influenceur, ou encore à la soumission du contrat au droit français lorsque l’activité d’influence commerciale en cause vise notamment un public établi en France (Article 8).

Il est enfin précisé que l’influenceur et l’agent qui le représente sont solidairement responsables en cas de préjudices causés par l’exécution du contrat qui les lie (Article 8).

  • L’encadrement de l’activité de l’influenceur n’étant pas établi sur le territoire d’un Etat membre de l’Union Européenne, de la Confédération Suisse ou de l’Espace économique européen (Article 9) :

A cet égard, la loi prévoit la désignation d’une personne en vue de représenter l’influenceur au sein l’Union Européenne.

Celle-ci est chargée de coopérer avec les autorités compétentes pour s’assurer de la conformité à la présente loi des activités d’influence commerciale visant un public établi sur le sol français.

L’influenceur n’étant pas établi dans l’Union européenne se doit également de souscrire une assurance civile auprès d’un assureur établi dans l’Union, destinée à indemniser les éventuelles victimes auquel l’influenceur peut porter préjudice.

  • La régulation et l’encadrement de l’activité promotionnelle de l’influenceur
  • Les interdictions de promotion :

La loi encadre l’activité d’influence en empêchant la promotion d’un certain nombre de biens ou services afin de limiter les dérives dont se rendent coupables certains influenceurs (Article 4).

A titre d’exemple, il est ainsi interdit aux influenceurs de promouvoir :

  • Des produits ou services ayant trait à la chirurgie ou à la médecine esthétique ;
  • Des produits ou services présentés comme comparables, préférables ou substituables à des prescriptions thérapeutiques ;
  • Des produits de nicotine pouvant être consommés ;
  • Des animaux d’espèce non domestiques, sauf en présence d’établissements autorisés à détenir ces animaux, tels des zoos.
  • Un certain nombre de produits et services financiers ;
  • Des abonnements à des conseils ou pronostics sportifs…

La loi entend en outre limiter la possibilité pour les influenceurs de promouvoir les jeux d’argent et de hasard, en posant certaines conditions en vue d’assurer la protection des mineurs face à  ces contenus : 

  • L’influenceur active le mécanisme d’exclusion des utilisateurs de moins de 18 ans, qui doit être prévu par la plateforme en ligne sur laquelle est communiqué le contenu promotionnel.
  • Le contenu communiqué s’accompagne d’une mention qui indique l’interdiction du contenu aux moins de 18 ans, tout au long de la promotion.
  • Les obligations d’information :

La loi impose également certaines mentions, qui doivent impérativement accompagner les contenus promotionnels communiqués par l’influenceur (Article 5).

A titre d’exemple, la loi prévoit ainsi :

  • Une mention claire et visible tout au long de la promotion, attestant de l’intention commerciale de l’influenceur ;
  • Une mention attestant de la retouche d’images ayant permis de modifier l’apparence d’un visage ou d’une silhouette;
  • Une mention attestant de l’usage de procédés d’intelligence artificielle dans la représentation d’un visage ou d’une silhouette…

En outre, il est précisé que l’influenceur qui ne prend pas en charge la livraison des produits dont il fait la promotion est responsable de plein droit à l’égard de l’acheteur (article 6).

A ce titre, l’influenceur doit notamment informer le consommateur des caractéristiques essentielles et du prix de la chose, de la date ou du délai de livraison, de son identité et de celle du fournisseur.

Il lui faut également s’assurer de la disponibilité et de la licéité des produits en cause.

  • Le contrôle de la conformité de l’activité d’influence à la présente loi
  • Les sanctions de la violation de la présente loi :

Les manquements aux dispositions de la présente loi font l’objet de diverses sanctions.

Ainsi, la violation des interdictions de promotion précitées est par principe punie de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende, auxquels peut s’ajouter la peine d’interdiction définitive ou provisoire d’exercer l’activité professionnelle ou sociale à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise (Article 4).

Le législateur a également entendu accroître les sanctions prévues par le code de la consommation en cas de manquement aux dispositions qu’il prévoit, en assortissant d’une astreinte l’injonction de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite ou interdite dont peut faire l’objet un professionnel (Article 13).

Une mise en demeure, également assortie d’une astreinte, peut aussi être adressée au professionnel en cas d’inexécution de la mesure de publicité dont fait l’objet l’injonction auquel il est sujet, le cas échéant (Article 13).

  • L’articulation de la loi avec le Règlement européen sur les services numériques.

Publié au Journal Officiel en octobre 2022, le Règlement européen sur les services numériques a pour effet d’encadrer et d’harmoniser les pratiques et les comportements des acteurs dans le monde numérique, lesquels sont amenés à respecter quantité d’obligations nouvelles, ayant vocation à les responsabiliser.

La loi du 9 juin 2023 se conforme au droit européen en imposant aux fournisseurs de services numériques de respecter les obligations de contrôle et de lutte contre les contenus illicites posées par le règlement, au regard de la présente loi.

  • Les fournisseurs de services d’hébergement sont donc tenus de mettre en place des mécanismes permettant à l’utilisateur de signaler les contenus qu’il considère illicites à l’aune de la présente loi (Article 10).
  • De même, les entités qui agissent contre la violation des dispositions de la présente loi peuvent se voir reconnaître le statut de signaleur de confiance, conformément au règlement sur les services numériques (Article 11).
  • Les autorités nationales compétentes se doivent également de mettre à la disposition des fournisseurs de services intermédiaires une liste des sites internet qui font la promotion de choses considérées comme illicites au regard de la présente loi (Article 12).
  • Les opérateurs de plateforme en ligne doivent également s’engager à coopérer avec l’Etat en vue de prévenir tout manquement aux dispositions de la présente loi, en informant le public, en formant les influenceurs et leurs agents, et en favorisant le signalement par les utilisateurs des contenus illicites publiés par des influenceurs (Article 15)
Jonathan Elkaim, avocat à la cour
Lola Foucher, juriste
 

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