Le Parisien – Militant LGBT tunisien agressé à Paris : «Ils peuvent m’égorger mais il y aura plein d’autres Nidhal !»

Me Sahand Saber assize M. Nidhal Belarbi, porte-parole de l’association tunisienne Shams qui milite en Tunisie pour les droits des homosexuels.

M. Nidhal Belarbi a été victime d’une agression à caractère homophobe dans le 11ème arrondissement de Paris.

« Militant LGBT tunisien agressé à Paris : «Ils peuvent m’égorger mais il y aura plein d’autres Nidhal !»

Nidhal tombe les lunettes noires et les stigmates de l’agression, sont toujours présents. Son œil gauche est encore tuméfié et injecté de sang. Il tente pourtant un sourire lorsqu’il nous serre la main. Le porte-parole en France de l’association LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres) tunisienne Shams a été agressé à Paris dans la nuit du jeudi 8 au vendredi 9 août. Quatre hommes l’ont frappé à plusieurs reprises très violemment, jusqu’à ce qu’il réussisse à s’enfuir et trouve refuge dans un bar tout proche. Une plainte a été déposée pour violences en réunion à raison de l’orientation sexuelle. Une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Paris.

« J’étais en train de mettre le code digital pour rentrer là où je vis quand un homme m’a interpellé », témoigne le Tunisien de 30 ans encore un peu traumatisé. « Il m’a dit Tu te rappelles en 2013. Et avec d’autres personnes, il a commencé à frapper me frapper partout. Des coups de pied des coups de poing… » se souvient-il fébrile.

« Ils m’ont dit en arabe. C’est toi le chien, le porte-parole de Shams, on a le droit de t’égorger, tu es une honte pour les Tunisiens, ils m’ont menacé de mort », témoigne le militant LGBT. Nidhal a vite fait le rapport, il en est sûr, horrible coïncidence, l’un de ces agresseurs n’est autre que l’un de ceux qui l’avaient déjà agressé en 2013, en Tunisie.

Car le mektoub (destin en arabe) n’est pas tendre avec le Tunisois. Sur le fond d’écran de son portable, un vestige de sa vie d’avant est encore là pour en témoigner : un cliché de Nidhal en costume noir. Celui du temps où il était arbitre, sur un terrain de D1 tunisienne, le logo de la Fifa fièrement apposé sur sa poitrine. Six ans, une éternité pour celui dont la vie a basculé, deux ans après la révolution du Jasmin début 2011.

Homosexuel, il participe avec Mounir Baatour, aujourd’hui candidat à la présidence de la République en Tunisie, à la création de Shams. Une association qui défend les droits LGBT et réclame depuis des années l’abrogation de l’article 230 du Code pénal qui punit de trois ans de prison l’homosexualité.

Nidhal quand il était arbitre en Tunisie. Nidhal Belarbi

Trois mois et 19 jours en prison

Il lance aussi une radio, Shams Rad, la première antenne gay dans le monde arabe. Cela lui vaut rapidement les foudres d’une partie de la société tunisienne pas prête à une telle ouverture. Celui qui a aussi une formation de conseiller juridique dans le civil se voit rapidement discriminé. « La Fédération tunisienne de football m’a rétrogradé et envoyé arbitrer en division inférieure, où ma sécurité était loin d’être garantie », confie l’homme qui semble regretter ses années football. À cette époque on l’accuse même de corruption pour l’empêcher d’exercer au sifflet.

La suite est encore plus violente. Un jour de 2013, alors qu’il se rend à sa voiture, il est victime d’une agression par plusieurs hommes. Ces derniers seront arrêtés par la police et condamnées mais pour de simples violences. Le jeune arbitre décide toutefois de rester en Tunisie, malgré la possibilité de l’exil qui lui est déjà offerte à ce moment-là. Il continue donc à militer mais en 2017, il est arrêté pour son homosexualité. « J’ai passé trois mois et 19 jours en prison », confie-t-il avec difficulté. « Ils m’ont mis dans une cellule avec des vrais criminels, C’était horrible ! Il y a eu des insultes, des coups, des tentatives de viol », se remémore douloureusement le jeune homme.

Renié par sa famille

Pire, à sa sortie, sa famille le renie : « Mon appartement a été ravagé, on m’a tout volé, même ma voiture. Mon histoire a été très médiatisée au pays, j’étais devenue une honte pour ma propre famille ». C’en est trop pour celui qui sur les photos de jeunesse avait toujours le sourire aux lèvres. D’abord hébergé par les amis de son association, il prend le chemin de la France en mai 2018. Cinq mois plus tard, il obtient l’asile. « Le rejet de ma famille c’est terrible mais cela m’a rendu plus fort. J’ai donc décidé de continuer à défendre la cause d’ici », explique encore Nidhal.

Son avenir ? « Trouver un emploi et un logement pour pouvoir reconstruire ma vie qui a été détruite en Tunisie ». Simple mais finalement si difficile à atteindre comme rêve quand on est un réfugié. Un regret ? « Ce qui me fait mal c’est que je suis loin de mon pays. Ils sont au courant de l’agression et personne de ma famille ne m’a appelé, personne. Ça me rend triste. »

« Je ne suis pas Superman »

Cette distance, cette douleur, est malheureusement le prix fort que paie Nidhal pour son combat. Même en France, donc, où il a été agressé. « L’homophobie existe partout, on le sait. Si je suis agressé en Tunisie, il n’y a pas de loi qui me défend. En France il y a aussi des agresseurs homophobes, mais au moins ici je suis protégé par la loi », précise celui qui est encore hébergé à Paris par un ami. « Je ne suis pas le premier, je ne serais pas le dernier, ça c’est sûr. Mais je continuerai toujours à défendre notre cause », ajoute-t-il.

« Nidhal a trouvé refuge en France et on ne peut que déplorer qu’il ait été à nouveau victime ici de violences. Cela doit une nouvelle fois alerter sur les violences subies par les personnes LGBT dans notre pays », abonde son avocat Sahand Saber.

Malgré l’agression toute fraîche, l’amateur de football n’a toutefois pas vraiment peur de la suite dans l’Hexagone : « Je ne suis pas Superman, je peux avoir peur comme tout le monde. Mais je continuerai à défendre nos amis gays tunisiens qui sont persécutés. Ils peuvent m’égorger mais il y aura plein d’autres Nidhal ! ». »

Pour lire l’article sur le site Leparisien.fr, cliquez ici : Militant LGBT tunisien agressé à Paris : «Ils peuvent m’égorger mais il y aura plein d’autres Nidhal !»

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *