Getty Images v Stability AI, High Court of England and Wales, 4 novembre 2025
Getty Images faisait grief à Stability AI d’avoir indûment exploité ses images protégées afin d’entraîner son système d’intelligence artificielle générative. En conséquence, Getty Images constate que des contenus générés contiennent des filigranes reprenant les signes « Getty Images » et « iStock ». Stability AI contestait toute reproduction d’œuvres protégées et toute responsabilité.
La génération de filigranes par le modèle constitue-t-elle une contrefaçon de marque ?
L’entraînement de l’IA avec des images protégées constitue-t-il une contrefaçon de droit d’auteur ?
SUR LA CONTREFAÇON DES MARQUES « GETTYIMAGES » ET « ISTOCK »
Sur le fondement de l’article 10(1) du Trade Marks Act de 1994 (TMA), relatif à l’usage identique pour des produits identiques, le Tribunal retient que seule une partie limitée des modèles de Stability AI engage la responsabilité de cette dernière. En effet, la preuve de la contrefaçon a pu seulement être rapportée pour certaines versions du modèle.
Ensuite, le juge admet que Getty Images démontre certaines violations de l’article 10(2) TMA relatif à l’usage similaire d’un signe distinctif en créant un risque de confusion chez le consommateur moyen dans le cadre de l’identification des marques « Getty Images » et « iStock ».
La décision met en lumière l’impossibilité d’évaluer l’ampleur réelle du phénomène de contrefaçon face à la complexité technique des modèles d’IA.
Cette argumentation limite considérablement l’action des titulaires de droits, dès lors que les contenus générés par l’IA sont très fluctuants et quasi infinis selon les prompts. En effet, les prompts déterminent l’image générée par Stability AI, de sorte que les filigranes litigieux peuvent apparaître dans le contenu produit par certains utilisateurs, sans que Getty Images dispose de moyens efficaces pour en apporter la preuve.
Ainsi, la logique du Tribunal révèle une limite notable, qui ne prend pas pleinement en compte les obstacles pratiques à l’établissement de la contrefaçon dans le contexte des modèles d’intelligence artificielle.
SUR L’ABSENCE D’ATTEINTE À LA RENOMMÉE DESMARQUES « GETTY IMAGES » ET « ISTOCK »
Sur le fondement de l’article 10(3) TMA relatif à la protection de la renommée de la marque, le juge considère qu’aucun élément ne permet de démontrer une intention et/ou une volonté de Stability AI d’exploiter ou de porter atteinte à la notoriété des marques. Au contraire, il ressort des éléments soumis à son appréciation que des démarches ont été entreprises au fur et à mesure des nouvelles versions pour
supprimer les filigranes.
Le fait que Getty n’ait pu obtenir de filigranes litigieux dans les contenues générés lors de ses propres tests confirme, selon le Tribunal, une volonté de Stability AI de les éliminer. Le Tribunal conclut en conséquence que la demande fondée sur l’article 10(3) TMA ne peut être retenue.
Cet argument surprend, car en matière de contrefaçon traditionnelle le fait d’interrompre les agissements contrefaisants ou de les corriger a posteriori ne démontre pas nécessairement l’absence de volonté de nuire ou de tirer profit de la notoriété. Cette nouvelle appréciation semble manifestement défavorable aux titulaires de droits.
En somme, la décision rendue ne constitue qu’une victoire limitée pour la société GETY IMAGES à raison des difficultés probatoires attachés aux différentes versions de modèle.
En l’espèce, la preuve de la contrefaçon n’a pu être établie que pour certaines versions du modèle, tandis qu’il est possible que d’autres versions aient donné lieu à des contrefaçons selon les usages des utilisateurs, sans que Getty Images n’ait réussi à les
produire, faute du «bon prompt». Cette situation montre la nécessité d’un renversement de cette charge de la preuve.
SUR LA CONTREFAÇON DU DROIT D’AUTEUR
La deuxième question porte sur le secondary infringement, prévue aux articles 22 à 27 du Copyright, Designs and Patents Act 1988 (CDPA). Il s’agissait de déterminer si la prétendue reproduction pouvait être qualifiée d’“article” et constituer une “ copie contrefaite” au sens du CDPA.
En premier lieu, la décision est particulièrement intéressante en ce qu’elle rappelle le principe de common law selon lequel les textes doivent être lus à la lumière des évolutions technologiques. Or, suivant l’analyse de l’affaire Sony v Ball, même une copie éphémère stockée sur un support électronique peut constituer un “article” et une “copie contrefaite”.
Toutefois, s’appuyant sur une expertise judiciaire, le juge souligne que le modèle d’IA litigieux ne mémorise pas les images d’entraînement. Les experts reconnaissent certes que le modèle peut, dans certains cas, générer des images similaires à celles vues lors de l’entraînement, mais ces derniers ne sont que des phénomènes marginaux de mémorisation.
Ce faisant, aucune preuve n’établit qu’un contenu protégé aurait été reproduit sans autorisation de Getty Images.
En conclusion, le Tribunal a rejeté la demande en contrefaçon, considérant que la mémorisation provisoire à des fins d’entraînement ne constitue pas une copie contrefaisante au sens du CDPA.
Cette décision marque une véritable rupture avec l’affaire précédemment étudiée du tribunal de Munich, lequel avait au contraire jugé que le processus de mémorisation des données dans les paramètres du modèle d’IA, pouvant être restitué de manière identifiable via ses outputs, est assimilé à une fixation matérielle, constituant ainsi une reproduction au sens du droit d’auteur.
Mais à quel degré cette mémorisation peut-elle réellement être considérée comme marginale et distincte d’une reproduction?
Par ailleurs, la pertinence de la marginalité de la mémorisation se pose dès lors que les images d’entraînement sont mises à disposition des utilisateurs à des fins commerciales et portent nécessairement préjudice aux titulaires de droits.
Transposée au droit positif de l’union européenne, cette décision met en évidence l’obsolescence du mécanisme d’opt-out prévu par l’exception de TDM. En effet, à quoi bon exprimer un opt-out si l’entraînement des modèles d’IA peut être effectué sans autorisation dès lors que cette phase est automatiquement exclue du champ de la reproduction au sens du droit d’auteur ?
Vous aimerez aussi
La marque de l’Union européenne « Pablo Escobar », insusceptible de dépôt selon le Tribunal de l’Union européenne
La société portoricaine Escobar Inc. fondée en 1984 par Robert Escobar, frère du célèbre narco
Entraînement des modèles d’IA : la nouvelle mission du CSPLA
« Après avoir mandaté le CSPLA l’an dernier pour deux missions sur l’IA – l’une sur
Intervention du cabinet HIRO avocats à la journée mondiale du doublage !
Ce jeudi 12 juin 2025, Maître Jonathan ELKAIM a eu le plaisir d’intervenir à la journée d

Laisser un commentaire