Pratique du « caming » et prostitution : vers une extension de la définition de la prostitution et du proxénétisme ? Cass. Crim., 18 mai 2022, n°21-82.283
Dans cette affaire, la partie civile avait dénoncé à la justice des vidéos publiées sur des sites pornographiques montrant des jeunes femmes ayant des relations sexuelles filmées et retransmises en direct au moyen d’une webcam à des clients qui, en contrepartie d’une somme d’argent dont ils s’acquittaient, sollicitaient ces prestations.
Elle déposait plainte avec constitution de partie civile contre X. des chefs de proxénétisme aggravé, défaut d’avertissement relatif à un contenu pornographique, enregistrement et diffusion de représentations pornographiques de mineurs, fabrication et diffusion de message violent et pornographique perceptible par un mineur.
L’information judiciaire était ouverte le 09 décembre 2010 mais, à l’issue, le Juge d’instruction rendait le 08 juillet 2019 une ordonnance de non-lieu.
La partie civile interjetait appel, reprochant à l’ordonnance attaquée d’avoir dit n’y avoir lieu à suivre des chefs de proxénétisme aggravé et défaut de mise en garde quant au contenu pornographique. Selon elle, d’une part, la loi ne fait pas d’un contact physique entre le client et la personne prostituée une condition constitutive de l’infraction, et, d’autre part, l’emploi de son corps moyennant rémunération dans le but de satisfaire les plaisirs de clients, qu’importe la nature des actes accomplis, répond sans faillir à la définition légale de la prostitution.
Aussi, elle soutenait que le proxénétisme consiste à tirer profit de la prostitution à laquelle se livre autrui ou à apporter aide et assistance afin de permettre à une personne de se prostituer. Elle relevait également l’existence d’une circonstance aggravante tenant au fait que le délit de proxénétisme dénoncé a été commis au moyen d’une webcam, et donc d’un réseau de communication électronique, dans le but d’être diffusé à un public non déterminé.
Elle ajoutait enfin que la Chambre de l’instruction s’était déterminée sur la base d’un moyen inopérant, en retenant une définition inexistante de la prostitution. De cela, elle concluait que le principe d’interprétation stricte de la loi pénale n’enfermait pas la prostitution, et donc le proxénétisme, dans cette définition.
La Cour de cassation rappelle que le délit de proxénétisme exige au préalable de déterminer les agissements relevant de la prostitution. Pour ce faire, elle retient sa jurisprudence constante aux termes de laquelle la prostitution consiste à « se prêter, moyennant une rémunération, à des contacts physiques de quelque nature qu’ils soient, afin de satisfaire les besoins sexuels d’autrui » (Crim., 27 mars 1996, pourvoi n°95-82.016).
Elle relève que le développement d’internet a conduit à de nouvelles pratiques appelée « caming » « consistant pour des « camgirls » ou « camboys » à proposer, moyennant rémunération, une diffusion d’images ou de vidéos à contenu sexuel, le client pouvant donner à distance des instructions spécifiques sur la nature du comportement ou de l’acte sexuel à accomplir. » Elle note également que, dans les récentes évolutions législatives, le législateur n’a pas entendu modifier la définition de la prostitution. En effet, les dispositions de l’article 611-1 du Code pénal qui répriment les clients des prostituées et celles de l’article 227-23-1 du même Code qui répriment le fait, pour un majeur, de solliciter auprès d’un mineur la diffusion ou transmission d’images, vidéos ou représentations à caractère pornographique de ce mineur, ne marquent pas une telle tendance.
C’est la raison pour laquelle elle maintient que, en l’absence de contact physique, la définition de la prostitution ne saurait s’appliquer sauf à ce qu’elle soit étendue à des pratiques n’impliquant pas de contact physique. La Cour de cassation en a logiquement conclu qu’il n’y avait nulle élément légal ou jurisprudentiel favorable à l’extension de la définition consacrée en 1996. Les faits dénoncés, en application du principe d’interprétation stricte de la loi pénale, ne pouvaient donc revêtir la qualification de proxénétisme.
Sahand SABER – Avocat au Barreau de Paris
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